WALL-E
Un nouveau Pixar, c’est à chaque fois une fête.
Un concentré de talent, un diamant à l’état brut. Un vertige à l’idée que nos neurones dévorent chaque seconde le résultat de milliers d’heures de travail. Un émerveillement à la fois enfantin et adulte.
Avec la fébrilité d’une adolescente se rendant à un concert des BB Brunes, avec la fièvre d’un Juju allant voir Indy 4 (quel chef d’oeuvre ! ) pour la 14eme fois, je me suis rendu au pathé le plus proche pour jouir de cette dernière production de mes vénérés infographistes Californiens.
Préambule
Tout d'abord un coup de gueule, énorme. Ma séance a été absolument gâchée par l'implacable constatation que ces trous du balles de fils de prostituées de responsables du pathé liberté ont tout bonnement et froidement supprimé le traditionnel court métrage précédant le film.
Estomaqué par une telle outrecuidance, j'ai du coup été extrêmement frustré et énervé.
Quand je repense à "cars", et le fabuleux, inouï, brillantissime "one man band" qui déclencha il y a deux ans les applaudissements du public quatre minutes seulement après le début de la projection ; quand je me remémore les hilarant "Birds" et "Jerry's Game", comment, quand on prétend travailler dans le cinéma, peut on oser amputer une oeuvre artistique d'une de ses parties essentielles ? Les courts de chez Pixar sont également des démonstrations expérimentales et technologiques de ce que va être le futur de la 3D.
Bref, une insulte pour les fans d'animation, un manque de respect aux créateurs, et une injustice pour les enfants privés de 5 minutes de bonheurs supplémentaires. J'envoie un courrier bien salé dès demain au responsable de site pour lui dire de ce que je pense de ses méthodes.
Synopsis
Tout a été déjà dit et je ferai court: Wall-E, petit Johnny five rigolo, solitaire et romantique, traite les déchets d'une terre abandonnée et désertique.
Et puis arrive Eve, Ipod féminin un peu bourrine, aux yeux nipponisés et stylisés LED.
WallE va tomber amoureux, jusqu'à la suivre dans le vaisseau spatial ou les hommes vivent désormais.
Leur idylle va changer le destin de l'humanité.
Art
Une fois de plus, Pixar a repoussé les limites de l'esthétique du raytracing.
Les scènes apocalyptiques d'amoncellement de déchets dans une mégapole aride sont tout simplement belles à pleurer.
La petite musique retro qu'écoute wallE se réverbérant sur les facades des immeubles, dans le silence effrayant de la mégapole déserte; les effets volumétriques de tempêtes de sable ; les couleurs ardoise et les milliards de polygones peuplant les détails des tas d'ordures… la beauté de ce film est tout simplement bleuffante, on reste scotché la bouche ouverte pendant la première demie heure du film, à la fois émerveillé par l'image et la plastique de cet univers, et tétanisé par l'allégorie autodestructrice de notre espèce qu'il évoque.
La seconde partie du film est moins révolutionnaire techniquement, on revient ensuite dans l'univers plus habituel typé "indestructibles" ou "toy story" que maîtrisent les artistes de Pixar. Mais ce n'est pas pour le rendu que la seconde partie est exceptionnelle, j'y reviendrai plus tard.
Animation:
Wouahou.
Que dire. Les animateurs de chez Pixar seraient capables de nous faire pleurer sur les amours tragiques d'une cigarette et d'un briquet.
Donnez-leur un axe de rotation et deux vecteurs, et ils recomposent l'intégrale des sentiments exprimés dans Shakespeare.
Cela ne déroge pas la règle cette fois ci. J'ai dû discrètement virer cette fucking larme à l'oeil plusieurs fois dans le film. La candidité des sentiments des deux robots, les expressions les plus simples ( une rotation des optiques de wallE, un plissement de la forme des diodes de Eve ) deviennent hyper-expressives par on ne sait quelle magie.
Il y a du Chaplin dans cette histoire d'amour muette. Quelque chose qui nous ramène à l'inconscient collectif historique du cinéma. La simplicité, la pureté, la situation. Quel bonheur d'entendre les enfants rire aux éclats devant l'improbable et minimaliste ballet spatial entre Eve, Wall E, et un extincteur.
Scenario:
Et c'est là que je dis, respects à vie, les gars.
Je m'explique: le script peut paraître banal à vue d'adulte.
Une gentille fable écolo sur la planète qu'on pollue. Une mignonne parabole à propos des humains devenus obèses à force de glander devant msn et de consommer comme des porcs.
Oui c'est gentillou, rien de sulfureux sauf que…
Sauf que ce film va être vu par tous les enfants du monde entier. Ce film c'est la référence Disney de l'année. Et de ce fait, je crois que l'impact que va avoir cette production est un millier de fois plus puissant que n'importe quel film indépendant de Sean Penn, que n'importe quel reportage corrosif de Michael Moore ou que de n'importe quelle chanson de Marylin Manson.
Vous imaginez quand même ? Le Disney de l'année qui dit "ne consommez pas trop les enfants ou vous allez devenir des gros tas débiles ?" C'est un peu comme si Blanche Neige avait dit "allons les nains, formons une coopérative et chantons l'internationale !", Ou que Rox et Rouky s'étaient enfilés sous un arbre façon Brookeback Montain ( ah, on me fait signe que cette dernière scène avait été coupée au montage ).
Bref je trouve ça énorme et jubilatoire. C'est un peu du monde qui change.
Conclusion
En tout cas, la qualité des productions de Pixar ne change pas.
Léché, brillant, imaginatif, ingénieux, drôle, émouvant, les adjectifs me manquent.
De plus, ils ont le culot de progresser continuellement et d'oser certaines impolitesses.
La science et l'art ont toujours été symbiotiques, mais avec Pixar, on est dans l'osmose.