Le Panthéon du cinéma : dix films de légende
De la légitimité et de l’opportunité de cette chronique.
Voici un titre pour le moins racoleur de nature à en laisser plus d’un songeur, voire perplexe au moment d’aborder cette chronique. N’avons-nous pas, en effet, déjà vu passer pléthore d’articles rédigés, avec plus ou moins de bonheur, par des critiques professionnels ou amateurs aussi nombreux que les fantassins de l’armée rouge, arborant une thématique similaire ? N’avons-nous pas, une fois arrivés en fin de lecture, souvent ressenti cet étrange sentiment que l’on venait de perdre littéralement une demi-heure de sa vie tant le classement proposé ne reflétait aucunement ses propres jugements, fussent-ils absolument subjectifs ? Enfin, n’avons-nous jamais été titillés au point de se fendre d’un courrier ou d’un commentaire indélicat à l’endroit du rédacteur afin de lui signifier quel inculte il fait et quelle erreur impardonnable il a commise d’avoir omis telle ou telle production cinématographique (le mécréant !). Car il est de notoriété publique que, de la même façon qu’il existe autant de sélectionneurs de l’équipe de France de football que de français, il existe également autant de jugements – et donc de classements – différents qu’il y a de cinéphiles, ou d’individus se revendiquant comme tels (c’est-à-dire toute personne ayant vu au moins trois films au cinéma dans sa vie, soit à peu près tout le monde).
Pourtant, j’aime à réhabiliter le cinéma comme l’expression artistique que d’aucuns semblent avoir oublié qu’il était à l’origine. Ces dernières années, j’en ai même fait une croisade personnelle en y mettant autant de détermination qu’un Fox Mulder à révéler le complot gouvernemental cherchant à dissimuler aux citoyens une invasion extra-terrestre inéluctable. Je ne le redirai jamais assez mais, comme tout art qui se respecte, le cinéma répond à des critères, canevas et autres dynamiques définis dont la maîtrise demande aux réalisateurs de longues années d’apprentissage et une vision fraiche de leur métier, condition si ne qua non pour se démarquer dans l’un des microcosmes les plus soumis à la concurrence au monde, et où le moindre faux pas peut s’avérer dramatique pour sa carrière (et ce n’est pas Pitof qui me contredira). De la même manière, j’ai l’intime conviction que les attributs réels et objectifs d’une production du 7ème art ne peuvent être perçus que par certains individus, une sorte de collège d’experts, aux yeux tellement gavés de films qu’ils parviennent à n’en retenir que la substantielle moelle afin de remplir au mieux une grille de notation la plus impartiale possible (sur laquelle j’aurai l’occasion de revenir infra). Toujours est-il que, à l’instar de n’importe quelle autre expression artistique (peinture, architecture…), je pense que le béotien ne pourra guère argumenter plus loin que le sempiternel refrain « j’aime bien » ou son antagoniste « je n’aime pas » devant une œuvre cinématographique car aller plus en avant demande des réflexions et analyses nécessitant de se projeter bien au-delà du simple ressenti personnel, fusse-t-il vaguement défendu et ergoté. Ne s’improvise pas critique d’art qui veut !
S’il ne fait aucun doute, cependant, que la tâche du critique est aisée à bien des égards, celui-ci se contentant d’émettre un avis sur un film qu’il n’a pas lui-même créé (et, force est de constater qu’il en serait souvent bien incapable), elle n’en reste pas moins sujette à de nombreux pièges pour quiconque aime à faire ce travail avec honnêteté et passion. J’exclue ainsi de cette catégorie les milliers de zozos se revendiquant comme experts en la matière mais dont la culture cinématographique excède à peine les connaissances d’Eve Angeli en géopolitique ou celles de Francis Lalanne en poésie, musique et football. Par extension, j’exclue également les critiques s’étant plus ou moins volontairement prostitués intellectuellement en émettant des avis répondant souvent à des critères très éloignés de la qualité intrinsèque de l’œuvre comme, par exemple, le nombre d’encarts publicitaires réservés par le distributeur dans le ‘zine dans lequel ledit critique sévit. Mais bref, je m’égare… Tout cela pour vous dire que, art populaire qu’il se veut être, le cinéma engendre moult réactions auprès des spectateurs – et c’est bien là son essence même – mais de grâce, gardons bien à l’esprit que la réelle légitimité pour analyser toute œuvre d’art qui soit n’est pas innée mais s’acquiert au prix d’une dose certaine d’efforts et de profonds retours sur expériences. Ainsi, le cinéma crée-t-il son propre paradoxe : se voulant populaire et engendrer un engouement auprès de la masse (ne serait-ce que pour de viles raisons pécuniaires et mercantiles), il en a inexorablement perdu de sa superbe en ne proposant à l’amateur d’art plus que quelques rares occasions de s’enthousiasmer… à l’inverse du quidam qui trouvera moult occasions d’être diverti à grand renfort de FX chiadés à l’extrême, de mécanismes aussi efficaces qu’éculés, j’en passe… Et lorsque même les réalisateurs les plus talentueux et habituellement les moins enclins à faire des concessions s’y mettent, cela donne naissance à des films comme Avatar, qui pour le coup, porte parfaitement bien son nom.
Pour autant, le critique d’art cinématographique est-il une espèce vouée à disparaître, à laisser place libre à l’avènement d’une nouvelle race de pseudo-analystes ergotant autour de films « grand public » visionnés « par-dessus la jambe » aussi sûrement que des piliers de comptoir refaisant le monde au café du commerce du coin? Je ne le crois définitivement pas, pourvu que ledit critique sache s’imposer une discipline de fer et ne pas succomber à la pression sociale. Au risque de s’exposer à la vindicte populaire le vrai critique, s’il se veut résolument objectif, devra également s’évertuer à faire abstraction de son ressenti personnel sous peine de biaiser en profondeur son analyse. En d’autres termes, avoir passé un moment agréable devant un film n’en fait pas automatiquement un grand film. A contrario, on peut ne pas avoir réellement apprécié la thématique, la teneur ou la dynamique d’une œuvre sans pour autant en occulter ses qualités techniques intrinsèques. De la même manière, il est important de faire abstraction de tout élément extérieur pouvant causer une altération du jugement, comme par exemple le fait d’être particulièrement mal luné, d’avoir passé une journée de chien ou encore d’avoir eu à endurer (voire subir) une séance de projection exécrable (sièges grinçants, projectionniste alcoolique, spectateurs indisciplinés…).
Pour autant, il est évident que le biais zéro n’existe pas, l’analyste ne pouvant faire abstraction de son vécu personnel, de ses propres valeurs, croyances et affinités (consacrant dès lors ce que les scientifiques nomment « biais cognitif culturel et émotionnel »). Ainsi, il est certain que les sentiments éveillés par les thématiques des films diffèreront grandement selon le caractère et le passif du spectateur, les uns étant plus réceptifs à certaines émotions que les autres. Ainsi, la critique qu’il fera d’un film sera la plus objective possible, mais en accord avec ses propres valeurs. Une parfaite alchimie qui ne peut être obtenue que si l’analyste adopte une grille de lecture qui soit à la fois sobre (pour en faciliter la lisibilité), intelligible et surtout immuable, sous peine de fausser le référentiel. Notons toutefois, et je le concède volontiers, que si la construction de la grille en elle-même peut paraître arbitraire, elle reste le meilleur moyen de réduire significativement le biais d’analyse et la transparence des résultats. En ce qui me concerne, j’ai de longue date adopté une grille que le temps n’a pas fait varier d’un iota et qui, paradoxalement, ne me semble pas avoir pris la moindre ride. De ce référentiel, par souci de simplification (et aussi parce que c’est mon bébé), je ne vous livrerais que les grandes catégories sans entrer dans les méandres des sous-catégories et des coefficients accordés à chacune (toutes ne faisant pas l’objet de la même attention).
Ceci étant établi, les paramètres principaux pris en considération dans ma grille de notation sont les suivants : scénario (intelligibilité, inventivité, cohérence, faculté de tenir le spectateur en haleine, qualité des dialogues), réalisation (tournage/prises de vues, montage, photographie, FX, degré d’innovation), acting (prestation des protagonistes, prestation des seconds rôles, degré d’implication des figurants), bande sonore, et divers autres critères tels que le caractère intemporel de l’œuvre (ou plus communément sa faculté à « bien vieillir ») ou encore l’aspect fédérateur du film (présence de scènes/répliques cultes, émergence de groupes de fanboys à l’échelle internationale, persistance du phénomène quand le recul le permet, présence de produits dérivés divers et variés). Sans trop entrer dans les détails, il convient de noter que j’accorde une certaine importance à ces deux derniers paramètres, si bien que cela fait la part (très) belle aux productions hollywoodiennes. En effet, mes connaissances culturelles « exotiques » étant ô combien limitées (je plaide coupable), et étant bien peu capable de mesurer les retombées de long terme des productions asiatiques, bollywoodiennes ou encore sud-américaines, j’ai fait volontairement l’impasse sur des films qui auraient très bien pu figurer dans ce classement, comme par exemple le fabuleux Old Boy pour ne citer que lui.
Pour en finir avec les choix « artistiques » de l’auteur, sachez que j’ai pris l’option de toujours considérer les films d’une même franchise comme les parcelles d’une seule et même œuvre (sauf s’il s’agit d’un reboot ou encore si l’un des films est un véritable OVNI cinématographique, genre l’ignoble Highlander 2), ce qui peut expliquer d’une part la présence ou l’absence de certaines séries, et d’autre part la constante réactualisation des sagas au gré des nouveaux opus. Ainsi, le merveilleux Matrix pait-il deux suites bien moins savoureuses et peu justifiées. Jurassic Park souffre d’un troisième opus qui, bien qu’haletant, ne se hisse clairement pas à la hauteur des écrits de Crichton et de la réalisation de Spielberg des deux premiers épisodes. Il en va de même pour des monuments tels que Terminator, Alien, Silence of the lambs, Saw (dont le premier opus avait su renouveler le genre de manière magistrale avant que ses innombrables suites viennent détruire la franchise), etc, etc… Même le plus grand des archéologues, Indiana Jones, pâtit d’un quatrième épisode qui, s’il avait su me ravir, reste en deçà des ses glorieux prédécesseurs, notamment Raiders of the Lost Ark, chef d’œuvre intemporel s’il en est. Vous l’aurez donc compris, j’ai effectué des choix personnels (et donc discutables) au moment de créer ma grille d’évaluation et de ne pas dissocier les œuvres d’une même saga. Mais, ce sont là les seuls biais apparents de mon analyse puisque les notes ont toutes été attribuées en relatif. Au final, le classement que je vous propose n’a que peu de choses à voir avec mon propre classement préférentiel, et c’est tant mieux puisque c’était l’effet recherché. Ainsi, ne vous étonnez pas de l’absence de X-Files, Godfather, Sin City, Very Bad Things, Ocean’s (11 to 13), et autres Blade Runner, Beetlejuice et Lethal Weapon : toutes ces œuvres qui auraient éventuellement pu entrer dans mon top personnel, mais qui n’ont définitivement pas l’envergure des pièces maîtresses que le classement à venir met en exergue.



Au final, j’ai sélectionné pour vous 10 œuvres cinématographiques fondamentales que nul ne saurait ignorer sans passer à côté de ce que le cinéma a de mieux à nous offrir. Je suis particulièrement satisfait en ce que ce classement, bien qu’en perpétuelle mouvance, consacre quelques uns des plus grands réalisateurs et acteurs hollywoodiens de ces dernières années, tout en mettant à l’honneur bon nombre de genres cinématographiques différents.
La liste des nominés est donc la suivante, dans l’ordre chronologique de leurs parutions respectives :
Star Wars (1977-2005), Back to the Future (1985-1990), As good as it Gets (1997), The Green Mile (1999), The Lord of the Rings (2001-2003), Minority Report (2002), The Last Samourai (2002), Big Fish (2003), Eternal Sunshine of the Spotless Mind (2004), Wall-E (2008).
On remarquera que cette liste balaye des genres aussi divers que le thriller d’anticipation, la SF, le fantastique, l’animation, le divertissement d’action et même la comédie romantique !!! Les réalisateurs les plus renommés d’Hollywood, que dis-je ?! les monstres sacrés, sont également de la partie (George Lucas, Steven Spielberg, Tim Burton, Peter Jackson, Robert Zemeckis, Frank Darabont, James L. Brooks) tout en laissant la place aux réalisateurs les plus talentueux de la nouvelle génération de s’exprimer (Michel Gondry, Edward Zwick, Andrew Stanton). Il en va de même pour les acteurs, jugez plutôt : Michael J. Fox, Christopher Lloyd, Helen Hunt, Jack Nicholson, Tom Hanks, Harrison Ford, Ewan McGregor, Jim Carrey, Tom Cruise… sont quelques unes des célébrités consacrées par ce classement.
On ne pourra passer outre cependant quelques absents de marque qui auraient sans doute mérité de figurer, dans d’autres catégories, au Panthéon, soit pour un coup d’éclat, soit pour l’ensemble de leur œuvre. Je pense à des réalisateurs tels que Stanley Kubrick, Martin Scorcèse, Francis Ford Coppola, M. Night Shyamalan, Clint Eastwood ou encore Guy Ritchie, David Fischer, James Cameron, Ron Howard, David Lynch voire Woody Allen, Ridley Scott, Oliver Stone, les frères Coen et Steven Soderbergh (à noter que John Lasseter n’apparaît pas en tant que tel dans le classement, cependant sa supervision technique sur Wall-E fut considérable).




Le jeu des pronostics
Le processus de divulgation des résultats s’apparentera à celui choisi par Boblastic himself relativement à ses estimés mangas, à savoir une nouvelle entrée par semaine (en espérant que mes activités professionnelles me permette de soutenir ce rythme). Cependant, la matrice de présentation pourra, quant à elle, quelque peu varier.
Je vous donne donc rendez-vous dans une semaine environ pour découvrir le numéro 10 de ce classement. En attendant, je vous propose de vous livrer au petit jeu des pronostics qui consiste pour chacun d’entre vous à poster à la suite de ce billet, avant promulgation du premier résultat (soit le numéro 10), son classement prévisionnel. J’attribuerai ainsi 20 points par film correctement placé. Un bonus de 80 points sera attribué aux personnes qui seront capables de donner le tiercé gagnant dans l’ordre, 50 points dans le désordre. A vos pronostics !
El Juju, pour Boblastic.com