Ce mois ci, j’ai décidé de vous présenter une nouvelle série du génialissime Robert Kirkman : Invincible. Avant de renter dans le vif du sujet, je vous propose un petit historique d’Image Comics, l’éditeur d’Invincible.
Image comics a été fondée en 92 par sept des dessinateurs les plus populaires du moment : Todd McFarlane, Jim Lee, Mark Silvestri, Erik Larsen, Rob Liefield, Jim Valentino et Whilce Portacio. Leur but était de pouvoir créer des comics tout en conservant leurs droits d’auteurs. Chose impossible, à l’époque, chez Marvel ou DC. Ce départ des dessinateurs vedettes a bien secoué le marché des comics dans les années 90. Marvel avait été particulièrement déstabilisé, puisque ces dessinateurs officiaient sur les séries phares de l’éditeur (Uncanny X-men, Amazing Spider-man et leurs séries dérivées). Après un démarrage en flèche, Image a connu quelques problèmes. Les dessinateurs ont beau être très bons, sans scénarii de qualités, les titres s’essoufflent très vite. Une bonne partie d’entre eux n’étaient que de fades copies d’X-men. On a droit à de belles planches, mais malheureusement également à des histoires sans saveurs ni grande originalité.
Certains titres échappent à la règle ; par exemple, le Spawn de McFarlane ne ressemble à aucun autre titre et met la barre très haute en termes de qualité. Il faut avouer que McFarlane a rapidement fait appel à des scénaristes talentueux pour l’aider, parmi lesquels Alan Moore et Frank Miller (pourquoi s’en priver quand on peut faire appel aux meilleurs). Les choses ont pas mal évolué depuis les années 90, Image n’est maintenant « que » le 5ème plus gros éditeur de comics et est loin de faire de l’ombre à Marvel et DC. Les parts de marché en valeur d’Image sont d’environ 3,7% quand Marvel et DC obtiennent respectivement de 40,5% et 29,3%. Cependant, les big two ont été obligés de créer des labels creator owned pour conserver leurs artistes. L’impact d’Image est donc loin d’avoir été négligeable même si l’éditeur a perdu de sa splendeur. Image produit moins de titres qu’avant mais de meilleures qualités. Les titres de super-héros font figure d’exception chez l’éditeur, Marvel et DC trustent véritablement le genre. Et pourtant, une série comme Invincible arrive à tirer son épingle du jeu.



Fiche technique
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Titre : Invincible
Scénariste : Robert Kirkman
Dessinateurs : Corey Walker – Ryan Ottley
Genre : Fantastique
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Editeur VO : Image Comics
Editeur VF : Delcourt
Volumes sortis : 4 (en cours)
Prix : 14€
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Synopsis
"Mark Grayson est un ado comme tous ceux de son âge… ou presque. Il va au lycée, adore les filles sans vraiment bien les comprendre et passe le plus clair de son temps avec ses potes. Finalement, la seule différence entre lui et les autres tient du fait que son père est le super-héros le plus puissant de tous les temps… Trois fois rien, quoi ! Et pour corser le tout, Mark semble avoir hérité des mêmes pouvoirs que papa. C’est à ce moment-là que les ennuis commencent…"



L’avis de Guigui :
La campagne marketing autour d’Invincible m’avait laissé très sceptique : Invincible serait l’Amazing Spider-man des années 2000. Mouais, c’est pas la première fois que j’aurais entendu ça. Comparer son héro à Spidey c’est assez courant et quasiment toujours injustifié. Et pourtant, force est de constater qu’avec ce titre Kirkman a réussi à capturer l’ambiance et le charme des Amazing Spider-man des 60’s et 70’s. Invincible est un véritable hommage aux comics du Silver Age, sans pour autant perdre en modernité ou en fraîcheur. Un véritable exploit ! Alors que le concept de départ peut sembler vu et revu, Kirkman se débrouille pour donner une saveur nouvelle au concept du jeune super-héros qui découvre ses pouvoirs et les difficultés de la vie.
Les histoires de Kikrman sont bourrées d’humour mais savent aussi se faire plus dramatiques. On alterne entre scènes de vie de tous les jours et actions super-héroïques. Le dosage entre action, science fiction, comédie, sentiments et coups de théâtres est excellent. Comme pour Walking Dead, Kirkman privilégie les personnages. Il sait les rendre passionnants et attachants. Pour les noms de certains d’entre eux, il s’est vraiment fait plaisir : Dupli-Kate qui a le pouvoir de se dédoubler, Rex Plode qui a des pouvoirs explosifs, Shrinking Ray qui peut rétrécir, Allen the Alien…
Les premiers numéros de la série sont dessinés par Cory Walker. La suite est assurée par Ryan Ottley. Je préfère nettement le style d’Ottley qui s’améliore de numéro en numéro (aussi étonnant que ça puisse paraitre quand on regarde ses planches Invincible est sa première série). Les planches de Walker n’étaient pas mauvaises, loin de là, mais elles ne sont pas aussi percutantes que celles d’Ottley. L’une des grandes forces d’Ottley est que son style fonctionne aussi bien pour les scènes comiques que pour les scènes dramatiques.
Divers
Invincible est une série bourrée de référence aux comics mais aussi à la pop culture dont voici quelques exemples :
– Parmi les lycéens qui vont dans la même école que Mark ont peut apercevoir un certain Superman (version Red Son) ainsi que Steve Urkel.
– Le centre commercial où vont Mark et ses amis est le Twin Pines Mall, the Mall that has it all. Dans Invincible aussi on voyage dans le temps !
– Parmi les clients du fameux Twin Pines Mall, on peut apercevoir Charlie Brown ainsi que Jay et Silent Bob.
– L’enquêteur Damien Darkblood est un hommage à Rorschach. Il a le même style vestimentaire et la même façon de parler.
– Allen the Alien vient en aide à un vaisseau spatial dont l’équipage ressemble étrangement (ou pas) aux personnages de Start Trek.
– April O’Neil est journaliste télé sur Action News 6.
– Le I du costume d’Invincible ressemble étrangement au logo d’Image Comics.
– Les titres des albums reliés en VO sont des titres de vielles séries télé. Pour la VF ce n’est pas malheureusement pas possible vu que les traductions des titres des séries télé en question sont très approximatives (lire à chier). Le tome 8 « Who’s the boss ? » deviendrait « Madame est servie » tout de suite ça le fait moins.
– Invincible apparaît indirectement dans Walking Dead. On retrouve une figurine à son effigie dans la voiture de Glen (Tome 1 page 75). On peut voir Duane en train de lire ses aventures (Tome 1 page 139)…
Conclusion
Invincible n’est qu’à son quatrième volume en France alors qu’aux US ils en sont déjà au douzième (le treizième sortira en août)… La série a eu du mal à trouver son public en France (presque quatre ans d’attente entre le tome 3 et 4) et c’est vraiment dommage. Delcourt n’a pas été assez réactif pour la traduction du premier tome et beaucoup de lecteurs sont directement passé à la VO. Le titre avait également eu du mal lors des tous premiers numéros aux Etats-Unis. La série est un véritable sleeper auquel personne ne s’attendait. Alors qu’en général les numéros 1 des séries se vendent bien et au fur et à mesure des numéros le nombre de lecteurs diminue, Invincible a connu l’évolution inverse. Pendant un temps Kirkman a failli arrêter la série (en creator-owned l’auteur paye tous les frais donc la série a intérêt à devenir viable rapidement) mais en bon comic book fan, il a voulu au moins boucler son story arc. Grand bien lui a fait, le bouche à oreille a fonctionné et les lecteurs ont commencé à affluer. Invincible est maintenant un des titres les plus populaires d’Image. Vous l’aurez compris, ce succès est, selon moi, largement mérité.